Pendant une très longue période les cadres d’entreprise ont bénéficié d’un statut privilégié et se croyaient à l’abri du chômage ; ce temps est désormais révolu et la pilule est amère. L’accroissement des contraintes, issues de la mondialisation et des nouvelles technologies en particulier, ont considérablement modifié le travail en entreprise. Soumis à des pressions contradictoires les cadres doivent, non seulement s’adapter à des changements incessants, mais apprendre à vivre dans l’insécurité professionnelle. La vogue actuelle du « coaching » est bien le signe de la difficulté croissante des managers à remplir leur fonction.
Le chômage est généralement vécu comme un traumatisme dont l’intensité varie selon les conditions du licenciement, la situation personnelle, l’âge… Mais le chômage peut être aussi une occasion privilégiée de faire le point et se poser les bonnes questions : savoir qui l’on est pour définir ce que l’on veut et s’adapter à ce qui est possible. Ce qui le manque le plus en effet désormais c’est le temps. La modernité affiche ses paradoxes : surinformé on a plus le temps de penser, en communication permanente « t’es où là ? », on a plus le temps d’échanger ; plus le temps de s’intéresser aux autres (si ce n’est par le trou de la serrure de la télévision), de s’occuper de ses enfants etc. Il nous reste à consommer pour se prouver qu’on existe et dépenser pour s’affirmer.
La démarche philosophique, aimer la sagesse, n’a jamais été aussi nécessaire, mais il faut une méthode. Se méfier aussi des multiples propositions de la psychologie curative qui proposent leurs recettes sur le vaste marché de la déprime nationale. Dans ce nouveau contexte où les valeurs humanistes, qui sont le sel de la vie, ont tendance à disparaître, les associations ont un rôle important à jouer ; et ce n’est sans doute pas par hasard si elles connaissent un regain d’activité.
L’Association AVARAP, qui fêtera en 2024 son quarantième anniversaire, a été créée pour accompagner des cadres, en activité ou en recherche d’emploi, et les aider à réussir leur mutation professionnelle. Exclusivement animée par des consultants bénévoles, en activité ou en préretraite, apolitique et non confessionnelle, l’Avarap travaille selon une méthode comportementale de dynamique de groupe, avec pour finalité, l’adaptation au changement. Depuis sa création l’Avarap a accompagné plus de 20 000 cadres d’entreprise.
Les groupes constitués se caractérisent par une forte hétérogénéité en termes d’âge, de formation, de profil, de secteurs d’activité, de fonctions… C’est cette très grande diversité qui permet la richesse des échanges. Un groupe Avarap c’est une petite communauté (une quinzaine de personnes en moyenne) d’entraide mutuelle, un centre de « ressourcement » et de remise en forme professionnelle. Il n’y a pas de recette miracle, l’important c’est de définir des objectifs clairs, suivre une méthode rigoureuse et s’impliquer dans une démarche de solidarité active qui représente une formidable source d’enrichissement personnel sur le plan humain. Il va s’agir de mettre sur pied un projet professionnel, qui est également un projet de vie. Mettre en ligne la pensée, le désir et l’action.
L’un des points les plus importants, pour chaque membre du groupe, c’est l’écoute et l’attention aux autres. On ne reçoit qu’en fonction de ce que l’on donne ; c’est, pour certains, une découverte.
Dans cette démarche d’adaptation au changement, la confiance en soi et l’estime de soi sont tout à fait nécessaires ; il s’agit de devenir suffisamment fort pour que l’incertitude ne soit plus synonyme de menace mais d’opportunité.
L’idéal serait de pouvoir accéder à cet état de « sérénité frémissante » dont parle le philosophe Kostas Axelos dans l’un de ses ouvrages.
Dans sa recherche, sans fin d’efficacité, l’entreprise cherche à capter à son profit toutes les ressources de l’individu, même les plus intimes, c’est ce que Jean-Pierre Le Goff appelle « la barbarie douce ».
Par ailleurs la généralisation des mesures chiffrées dans tous les domaines de l’activité humaine, même celles qui ne sont pas objectivement mesurables, entraîne un risque important de simplification abusive. Le défi de la plupart des cadres : être autonome en même temps que de se conformer à des normes strictes de résultats dans un monde de plus en plus complexe. Nous ne sommes pas loin de ce que les psychiatres appellent l’injonction paradoxale : comment concilier le culte de la performance et la recherche de l’épanouissement personnel ?
Pour vivre dans un environnement d’insécurité professionnelle il faut un certain niveau de confiance. Il ne suffit pas d’avoir confiance en soi il faut aussi avoir confiance dans l’organisation pour laquelle on travaille, et confiance dans les personnes avec lesquelles on est en contact. La confiance est le principal réducteur d’incertitude ; confiance et solidarité.
La nécessaire métamorphose des cadres pour s’adapter aux nouveaux enjeux suppose des changements importants dans les modes de management des entreprises. Il s’agit de redonner du sens pour soutenir une motivation à l’action. . Mais il ne suffit pas d’afficher des valeurs, encore faut-il les faire vivre. Trop de mots, vidés de leur sens par ce que récupérés par la mécanique publicitaire, apparaissent comme des incantations. Les bonnes pratiques doivent s’installer en cohérence avec les valeurs proclamées et faire l’objet de sanctions, positives ou négatives
Si les femmes, qui sont généralement plus intéressées par l’humain que par le conceptuel, avaient davantage de pouvoir, le monde serait sans doute différent. Beaucoup de femmes, qui auraient la compétence et la personnalité pour accéder aux plus hautes responsabilités (nonobstant le fameux « plafond de verre »), n’en ont pas la motivation car elles récusent les valeurs trop exclusivement masculines qui sous- tendent la pratique du pouvoir dans la plupart des entreprises.
L’activité économique et le travail restent au cœur du fonctionnement sociétal. Il faut remettre à l’ordre du jour les valeurs fondamentales de respect, de tolérance et de solidarité. C’est sur ce registre, en particulier, que l’association AVARAP peut utilement apporter sa contribution. Notre objectif : contribuer à faire émerger des managers pour qui le sens de l’humain participe naturellement de la recherche de l’efficacité. L’application du concept de développement durable au domaine de la gestion des ressources humaines en quelque sorte.
Claude Génin
AVARAP